Qui sont les Chachapoyas ?

Si les Chachapoyas ont été dénommés par les Incas « les hommes des nuages », c’est que leur territoire se situait dans les montagnes qui surplombent les forêts tropicales et leurs perpétuels brouillards.
De ce peuple mystérieux que sont les Chachapoyas, certains disent qu’ils étaient des hommes blancs, aux yeux clairs, aux cheveux roux ou blonds, et de haute taille. Cette similitude avec des peuples européens a décidé Hans Giffhorn, célèbre archéologue allemand, à effectuer des analyses génétiques sur les descendants des Chachapoyas. Celles-ci ont révélé qu’ils auraient des gènes similaires à ceux des habitants de Carthage, en Afrique du nord. Ainsi circule l’idée parmi un certain nombre d’archéologues que des peuples de l’Antiquité auraient « découvert » le continent américain bien avant Christophe Colomb. Mais ces similitudes génétiques ne constituent pas des preuves suffisantes, cette hypothèse est controversée et ne fait pas l’unanimité chez les archéologues. 
Comme trop souvent en Amérique du Sud, les sources d’informations concernant les peuples indiens provenaient des conquistadors espagnols ou des Incas. Pratiquement aucune source ne provenait des Chachapoyas eux-mêmes, alors que leur culture était encore bien vivante à l’arrivée des Européens. Ainsi, ce que nous savons aujourd’hui provient principalement des études archéologiques de leurs temples et de témoignages d’une poignée de chroniqueurs espagnols. De là tant de lacunes, de là tant de mystères.

Un peuple insoumis

Ils construisaient leurs cités à des milliers de mètres d’altitude, dans les endroits les plus inaccessibles et défendaient farouchement leur territoire. On dit même que les intrus qui osaient s’aventurer sur leurs terres étaient exécutés.
Les Incas colonisèrent difficilement leur territoire, les Chachapoyas faisant preuve d’une intense résistance face aux envahisseurs de Cuzco. Même après leur défaite – un an de combats acharnés – et l’intégration à l’Empire inca, ils continuèrent à se rebeller régulièrement. A l’arrivée des Espagnols, la rébellion chachapoya perdurait et Pizarro eut l’idée de s’allier à leurs guerriers pour conquérir le Pérou. Hernán Cortés au Mexique utilisa d’ailleurs exactement la même stratégie : s’allier aux peuples indiens opposés à l’hégémonie aztèque. 
Très superstitieux, les Chachapoyas ne descendaient jamais dans les basses terres car ils croyaient que les démons y habitaient. Ils adoraient le condor et évoquaient la constellation du Lion pour qu’elle les protège des animaux sauvages. Ils adoraient également une étoile, Chuquiquincay, où leurs dieux habitaient.

Les architectes du vide

Leurs temples défiaient toute logique, érigés dans des vallées plus escarpées les unes que les autres. Ils rendaient un culte singulier à la mort et la momification de leurs défunts était courante. Par respect pour leurs morts, ils plaçaient les momies, en équilibre précaire, aux flancs des montagnes les plus abruptes, ce qui permettait aux défunts de veiller sur la vallée en contrebas. De nombreux archéologues les ont ainsi considérés comme les architectes du vide.
Les Chachapoyas ont disparu de la surface de la Terre quelques décennies après l’arrivée des Espagnols. Une fois leur culture disparue, les sarcophages n’étaient plus protégés. La grande majorité a été détruite par des profanateurs de sépultures à la recherche de richesses anciennes.

Les vestiges des Chachapoyas

Ils nous ont donc laissé de nombreux monuments dont le plus emblématique est certainement la forteresse de Kuelap, véritable prouesse architecturale perchée à plus de 3000 mètres. Kuelap a réellement intéressé les archéologues à partir des années 1930 alors que les habitants du coin connaissaient tous son existence. Son édification date du Xe siècle et elle est considérée par les habitants de la région comme étant le « Machu Picchu » du nord. Sa construction est plus qu’impressionnante : elle est entourée d’une muraille de 20 mètres de hauteur et 600 mètres de long, à l’intérieur de laquelle se trouvent plus de 500 habitations. Selon certains archéologues, cette enceinte est composée de trois fois plus de pierres que la pyramide de Khéops et sa construction est tout aussi mystérieuse : d’où provient une telle quantité de pierres ?
Mais l’isolement de cette civilisation oubliée a permis aux archéologues de découvrir en 2013 des dizaines de sarcophages extrêmement bien conservés. Et un nouveau mystère surgit : ces sarcophages construits en argile et en bois, de structure ronde, agrémentés chacun d’une tête humaine disproportionnée, ressemblent étrangement aux Moai, les mythiques statues de l’île de Pâques.

Une culture mystérieuse

Grâce également à leur isolement, une expédition en forêt amazonienne dirigée par un chercheur péruvien, Alvaro Rocha, a découvert en 2003 le complexe funéraire de Sholón, composé de mausolées de plus de 10 mètres de hauteur à l’intérieur desquels on trouva, outre des momies, des textiles de grande valeur. 
Ainsi, malgré la particularité de leurs vestiges, les Chachapoyas sont encore un mystère pour les archéologues. « Contrairement à d’autres peuples andins, ils sont un sujet d’études assez récent, et nos informations demeurent très parcellaires », explique Sonia Guillén, directrice du Centro Mallqui, centre national de recherche sur les Chachapoyas. De nouveaux sites sont régulièrement découverts, d’autres restent sans doute encore dissimulés… au-dessus des nuages.