Qui etait Fitzcarraldo ?

Carlos Fermín Fitzcarrald López (dit « Fitzcarraldo ») est né le 6 juillet 1862 à San Luis, dans la région d’Ancash (au nord de Lima), d’un père nord-américain et d’une mère créole péruvienne.

Ses premières années se déroulent pendant la guerre hispano-sud-américaine (1864-1883) qui oppose l’Espagne au Chili et au Pérou, auxquels se joignent ensuite la Bolivie et L’Equateur.

Adolescent, il voit apparaître un autre conflit territorial qui oppose son pays, allié à la Bolivie, au Chili, à partir de 1879.

Peut-être pour changer le cours d’une jeunesse qu’on dit tumultueuse, plus vraisemblablement pour échapper aux recherches policières le concernant (on l’accusait d’espionner pour le compte du Chili), il a à peine vingt ans lorsqu’il part travailler dans la jungle à la récolte du caoutchouc.

Le latex tiré de l’hévéa était connu des Indiens d’Amazonie depuis longtemps. Ce sont les voyages de Christophe Colomb qui ont permis à l’Europe de le découvrir, mais ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que débutèrent des applications industrielles prometteuses, qui incitèrent les pays amazoniens à en tirer profit.
C’est ainsi que le Pérou avait lancé des expéditions à la recherche de cette ressource et que la récolte du caoutchouc y avait commencé peu avant la naissance de Fitzcarraldo.

Mais l’exploitation de l’hévéa restait problématique : la région était difficile d’accès, rendant malaisé le transport de la précieuse marchandise, d’autant que les Andes faisaient obstacle à son passage par l’océan Pacifique pour atteindre les pays industrialisés.
Il fallait donc trouver le moyen d’utiliser les voies fluviales menant vers l’océan Atlantique par l’Amazone, autrement dit relier entre eux les bassins fluviaux de ces territoires sud-péruviens pour acheminer les récoltes de la région de Madre de Dios vers l’Ucayali, et de là à la ville d’Iquitos, baignée par l’Amazone.

 

Fitzcarraldo remonta le cours des rivières et finit par trouver un endroit où les eaux du bassin du rio Urubamba et du bassin du rio Madre de Dios étaient proches par leurs sous-affluents, respectivement le rio Serjali et le rio Cashpajali (sous-affluent du rio Manu qui traverse le parc national du même nom avant de se jeter dans le Madre de Dios).
Encore fallait-il pouvoir passer d’une rivière à l’autre à travers une jungle vallonnée. C’est ce qu’il parvint à accomplir durant l’année 1893 en démontant son bateau, et en le remontant après l’avoir transporté sur une distance de onze kilomètres.

 

La découverte de ce passage, qui permettait de transborder les cargaisons de caoutchouc d’une rivière parsemée de rapides à une autre plus navigable, eut un grand retentissement. Cela devait permettre de réduire de moitié le coût d’exploitation du caoutchouc et Fitzcarraldo envisageait d’y construire une voie ferrée.

 

Ce passage fut dénommé « isthme de Fitzcarraldo » en hommage à son inventeur.
Il eut la jouissance exclusive de la navigation sur ces rivières, ce qui lui permit d’accroître une fortune déjà grande, dont il ne profita guère : il périt dans le naufrage de son bateau amiral en 1897. Il avait 35 ans.

 

La légende a fait de lui un héros,le « roi du caoutchouc », découvreur géographique important, et aujourd’hui encore, le mythe subsiste.
Mais la réalité semble bien différente. Aventurier brutal et sans scrupules, Fitzcarraldo a imposé son autorité aux populations indigènes par la contrainte, les réduisant à l’esclavage, pour parvenir à ses fins.

Et il est des voix qui s’élèvent pour obtenir que l’on débaptise les lieux qui portent son nom.

Son aventure a été portée à l’écran : « Fitzcarraldo » est un film de Werner Herzog (1982), avec Klaus Kinski dans le rôle titre.
Quelque peu romancée, l’histoire est celle d’un homme qui veut construire un opéra en pleine forêt amazonienne, et y faire venir Caruso et Sarah Bernhardt.
Le tournage du film traîne en longueur : le milieu est hostile, les conditions de tournage difficiles.
Après la défection de Jason Robards pour cause de maladie, celle de Mick Jagger en raison d’une tournée, le rôle est repris par Klaus Kinski. Son comportement avec les Indiens entraîne des heurts sérieux et ses affrontements avec le réalisateur sont fréquents.

Mais ce qui rend surtout ce film remarquable, c’est le tournage des scènes de déplacement du bateau, effectué dans des conditions réelles, sans effets spéciaux.
Il faut se représenter ce vapeur de plus de 300 tonnes hissé à la force de l’homme au sommet d’une colline en pleine jungle, s’imaginer à bord lorsqu’il s’écrase dans les rapides…
Scènes d’anthologie s’il en est, c’est un tour de force que Werner Herzog a réussi, un véritable exploit. Plus grand encore que celui du personnage historique ? Il n’est pas insensé de le croire. Il n’est qu’à comparer le bateau original et celui qui servit au tournage pour se persuader de la démesure du film.