Décédée en 2008 à près de 90 ans, la « jolie fleur » péruvienne s’est imposée dans les années cinquante comme l’une des grandes voix d’Amérique latine.


Célèbre pour ses chants quechuas teintés de mambo et de cha-cha-cha, la mystérieuse diva à la voix couvrant plus de quatre octaves (!), toucha un large public à travers le monde.
Retour sur la vie de celle que l’on a surnommée « la déesse inca ».

 

Cadette d’une famille de six enfants, Zoila Augusta Emperatriz Chávarri del Castillo, née en 1922, grandit à Ichocan, dans la région des hauts plateaux de Cajamarca.
Elle désire très tôt devenir chanteuse. Refus de ses parents qui estiment que « ce n’est pas un métier ». Mais on ne peut l’empêcher de chanter. Des chants folkloriques péruviens, des chants religieux, des odes à la nature…


« Mes seuls professeurs furent les oiseaux », affirmera-t-elle dans une interview.

 

Très vite, en 1941, la chanteuse à l’extraordinaire voix -elle couvre près de cinq octaves !- est repérée dans une cérémonie traditionnelle dédiée au Soleil (Inty Raymi) par un fonctionnaire du ministère de l’Education, aux oreilles averties. Il l’envoie, dit-on, elle et sa famille, à Lima, la capitale, pour qu’elle étudie dans l’un des meilleurs collèges catholiques du pays.

De Lima à Broadway

C’est Moises Vivance, un musicien ayacuhano (son futur mentor et mari) qui lui fait ensuite intégrer sa Compagnie Péruvienne de l’Art. Elle prend alors pour nom de scène Imma Sumack, soit « jolie fleur » en langue quechua.
La troupe, composée de chanteurs, musiciens et danseurs, se produit dans toute l’Amérique latine, la chanteuse effectue ses tout premiers enregistrements en Argentine en 1943. Elle s’installe bientôt à New-York, où elle se produit dans de nombreux clubs.

Son timbre unique l’emmène très vite en haut de l’affiche grâce à un ponte de la maison de disque Capitol Records qui voit en elle un incroyable talent.
Imma Sumack devient Yma Sumac, orthographe jugée plus glamour par son producteur.

Son premier album, Voice of the Xtabay, sort en 1950 et s’installe vite en tête des classements. La chanteuse enregistre par la suite une petite dizaine de disques fortement orchestrés qui détonnent dans le paysage musical d’alors. Carnegie Hall, Hollywood Bowl…

Sa voix, « qui vogue allègrement des aigus aux basses les plus rauques, produisant des borborygmes qui imitent le vent ou le son du ruisseau », ses costumes kitsch, son allure théâtrale, ses airs mâtinés de mambo et d’opéra électrisent les foules des plus grandes salles.

Devenue la figure emblématique du genre Exotica, elle se produit à Broadway (Flahooley, en 1951) et tourne dans plusieurs films où elle chante : Le Secret des Incas (1954), de Jerry Hopper, avec Charlton Heston, puis Omar Khayyam (1957), de William Dieterle.
Elle est naturalisée américaine en 1955.

Une semi-retraite

Pour échapper à quelques problèmes avec le fisc et ses producteurs, la chanteuse, déjà célèbre sur tout le continent américain, part sur les routes pour une tournée mondiale : URSS, Bulgarie, France, Suisse… un triomphe.
Mais, revers de la médaille, lorsqu’elle rentre aux États-Unis en 1964, le succès n’est plus au rendez-vous. Elle se volatilise soudainement.

S’ensuivrait une longue semi-retraite au Pérou, auprès des siens. La chanteuse expérimentera bien en 1971 un insolite album de rock psychédélique (Miracles) avec le compositeur Les Baxter, véritable OVNI musical. Mais Yma Sumac ne sortira vraiment de l’ombre qu’au milieu des années 1980, grâce à la curiosité du jeune public pour sa voix « surnaturelle », et continuera épisodiquement à se produire sur scène ou à la télévision, et à enregistrer d’anciennes chansons incas « que les conquistadors n’ont pu tuer ».

Une diva voilée de mystère

Le « rossignol des Andes », aux yeux ourlés de noir, demeure aujourd’hui un véritable mythe pour nombre de ses admirateurs. Il faut dire que l’interprète de La Vierge du Dieu Soleil (Taita inty) s’est construite une image incontournable de « déesse inca », comme le rappelait, à sa disparition une journaliste du Monde : « En 1946, le consul général du Pérou aux États-Unis avait émis un document reconnaissant en Yma Sumac, ’en accord avec les autorités de l’histoire des Incas et de l’histoire péruvienne’, la qualité de descendante du dernier empereur inca du Pérou, Atahualpa, assassiné par les conquérants espagnols en 1533. Cette reconnaissance, dont elle tirait une grande fierté, a probablement contribué à forger ou à renforcer le caractère capricieux et exigeant sous lequel elle aimait à se montrer ».
Dès ses débuts, sa maison de disques avait d’ailleurs encouragé tous les fantasmes sur la chanteuse, en la présentant comme une « vierge royale vouée au culte et arrachée aux grands prêtres incas par le show-business ».

Son père, architecte, était pourtant d’origine espagnole et sa mère, enseignante, seulement en partie Inca. Mais le mystère sur ses origines a été délibérément entretenu. Guère étonnant dès lors que nombre de rumeurs aient couru à son sujet.

L’une affirme que son nom de scène serait l’anagramme de son véritable nom « Amy Camus » et qu’elle serait née à Brooklyn dans une famille juive.
D’autres soutiennent qu’elle serait née en Argentine ou même issue d’une famille française émigrée !
Quoi qu’il en soit, Yma Sumac est décorée au Pérou en 2006 de l’Ordre du Soleil, la plus haute distinction du pays, réservée aux présidents et princes de sang…

Installée aux États-Unis, elle fait alors la promesse de revenir vivre dans son pays natal. Deux ans plus tard, elle meurt d’un cancer à Los Angeles.